Et, faible sur sa couche, aveugle et sourd,
Ayant connu pour Dieu des maux très lourds,
Il attendit la mort, rassasié de jours.
Or, l’Ange d’Élohim vint, à l’heure dernière,
Toucher sa tempe et sa paupière,
Et, rendue un instant à ses forces premières,
Son âme retrouva les sons et la lumière.
Et le mur s’entr’ouvrit,
Plein d’esprits et de cris.
Et le Père mourant vit tous ceux de sa race
Dispersés et meurtris, dans le temps et l’espace.
Et, sur les bords des mers
Et sur les fleuves clairs,
Sur les monts et les plaines
Et les villes lointaines,
Et, tout au long des ans,
Sur les jours ondoyants,
Et, tout au long des âges,
Sur les siècles sauvages
Le Père se penchait, – pour écouter
La plainte qui montait de sa postérité :
-Isaac ! Isaac ! pourquoi nous as-tu mis au monde !
Nous allons, sans abri ;
Nous n’avons point de part à la terre féconde,
Et, sur le sol natal, nous sommes des proscrits.
Le faible nous insulte, le poltron nous brave,
L’enfant siffle – contre nous ;
Et nous avons pris des âmes d’esclaves,
À force d’user nos genoux.
Au long des chemins, nous cherchons des frères ;
Mais nos pas en lambeaux
N’ont, aux rocs saignants des nuits séculaires,
Que bûchers pour flambeaux.
Et nous levons au ciel des mains épouvantées
Sans qu’une main d’en haut nous vienne secourir,
Et, sans vivre les joies que d’autres ont chantées,
Nous tombons au sépulcre avant que de mourir !
Ainsi montait la plainte, sans trêve.
Et le Père gémit, dans la voix de son rêve :
-Tu leur avais promis, Seigneur, après ma mort,
Un pays de palmiers où coule l’huile d’or ;
L’ont-ils déjà perdu ? Le cherchent-ils encor ?
Comme ils ont dû pécher, pour mériter leur sort !
Lorsqu’au Mont Moria, victime volontaire,
Sous l’angoisse plié,
J’offrais ma gorge au couteau de mon père,
Par ton ange, Élohim, mon corps fut délié ;
Mais regarde mes fils ! À quoi bon ta clémence,
S’il faut que mon supplice, après moi, – recommence ?
Alors Dieu dit au moribond :
-Isaac, si pour tes fils ta douleur le demande,
Je puis, t’épargnant l’épreuve trop grande,
Choisir une autre chair pour y marquer mon Nom,
Et tes enfants seront ce que les heureux sont.
Ils possèderont un coin de terre,
Et d’autres marcheront exilés du soleil ;
Ils se rassasieront au froment salutaire,
Et d’autres souffriront le jeûne sans sommeil.
Ils ne connaîtront rien des tristesses profondes
Qui les pouvaient rendre immortels, –
Mais d’autres feront sonner au monde
La Voix de l’Eternel !
Ainsi tonnait dans l’étendue
La Parole du Dieu fort.
Mais, montrant ses fils de sa main tendue,
Isaac supplia dans la mort :
-Élohim ! Élohim ne change pas leur sort !
Qu’ils vivent, s’il le faut, condamnés au servage,
Qu’ils errent en sanglots par les lieux et les âges, –
Mais qu’ils te louent, Dieu juste, et qu’ils voient ton visage !
Et Dieu ferma les yeux du Père des Souffrants,
Et Jacob mis ses os dans la tombe, en pleurant.
Pour remettre les idées en place
Adam's Chronicles
Un magnifique poème d’Edmond Fleg qui dit toute la destinée du Peuple juif
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Commentaires récents
adamharishon dans 74 ans plus tard… bensoussan robert et… dans 74 ans plus tard… adamharishon dans 74 ans plus tard… Traube dans 74 ans plus tard… adamharishon dans 74 ans plus tard…
#1 par Therese le 7 octobre 2013 - 12 h 02 min
Bonjour Adam,
J’ai ajoute le lien sur mon site comme vous me l’avez demande…
cordialement,
Therese
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#2 par adamharishon le 7 octobre 2013 - 12 h 04 min
Merci, moi aussi! bonne journée 😉
Impossible de lire ce poème sans pleurer! 😉
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#3 par Boker Tov Yerushalayim le 10 octobre 2013 - 14 h 38 min
Merci de nous avoir rappelé Edmond Fleg, injustement oublié par beaucoup de nos jours. Son Anthologie Juive me faisait rêver pendant mon adolescence. J’ai toujours le cœur serré en me souvenant que le livre qu’il voulait dédier en 1942 « à mon petit-fils qui n’est pas encore né », l’avait été en 1949 « à mon petit-fils qui ne naîtra jamais, après la mort de ses deux fils. A bientôt,
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#4 par adamharishon le 10 octobre 2013 - 14 h 54 min
Ce judaïsme francophone et sa grande originalité a été un peu facilement oublié au profit du judaïsme, que j’appelle névrotique ( même si je comprends qu’il ait quelques raison de l’être) lithuanien. Mais il semble refaire surface, et il suscitera, j’en suis sûr de plus en plus d’intérêt. Cette anthologie a été pour notre génération un très grand déclencheur. Il est important de remercier son auteur autant que nous le pouvons. Il fût le maître de Jules Isaac qui a changé la perception de l’Eglise envers les juifs.
Merci de votre mot.
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#5 par adamharishon le 5 décembre 2013 - 7 h 38 min
très bel hommage de BHL: http://www.bernard-henri-levy.com/la-lecon-dedmond-fleg-38249.html
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